La libération de Perwez en septembre 1944

  

Depuis le débarquement du 6 juin 1944, les troupes alliées avancent progressivement dans le bocage normand.

En cette fin du mois d’aout 1944, la situation est désespérée pour les troupes allemandes dont les effectifs restant sont situés dans le Sud de la Normandie. Suite aux terribles pertes dues aux combats de la Poche de Falaise et de son tristement célèbre couloir de la mort, de nombreuses unités allemandes, disloquées refluent vers les Pays-Bas et l’Allemagne afin de prendre de nouvelles positions défensives. C’est ainsi que ces troupes allemandes constituées des restes des 7ème et 15ème Armée ainsi que de la première armée parachutiste et des débris de la 5ème panzer armée traversent notre région au début du mois de septembre 1944.

 

Profitant de cette débâcle allemande, les alliés se mettent en route afin de talonner les troupes allemandes et en capturer en maximum. A cet effet, ils adoptent la stratégie suivante :

Partant de la Seine, la 2ème armée britannique se voit confier la mission de foncer vers la Belgique afin de capturer le port d’Anvers. Ce port est un objectif prioritaire pour les alliés car le ravitaillement de l’énorme armée alliée composée de près de deux millions de soldats pose d’énormes problèmes. Au mois d’aout, seuls deux ports majeurs (Cherbourg et le port artificiel Mulberry d’Arromanches) sont capables d’assurer le ravitaillement des troupes. De plus les réseaux de distribution dont le célèbre « Red Ball Express », bien que parfaitement organisés, ne permettent pas d’acheminer les tonnages nécessaires au bon fonctionnement des armées alliées. Seule la prise du port d’Anvers pouvait remédier à cette situation. En effet, le port est aux portes de l’Allemagne et donc proche du futur front. De plus, il est bien protégé et permet le déchargement de 90 000 tonnes de matériel par jour.

 

La 1ère armée canadienne se voit quant à elle affectée la mission de longer la côte de la Manche et de la Mer du Nord afin de s’emparer des principaux ports s’y trouvant tels que Le Havre, Dieppe, etc. Cependant ils rencontrent de nombreuses difficultés dues à la défense acharnée des ports et sont ainsi fortement ralentis.

 

La 1ère armée américaine du général Hodges reçoit pour objectif de foncer vers la Belgique, de la traverser, de s’emparer du Canal Albert et de se diriger vers la vallée de la Ruhr en Allemagne. En chemin, il leur est demandé, en collaboration avec les britanniques, d’encercler et de capturer un maximum de troupes allemandes espérant éviter toute réorganisation ennemie et ainsi mettre un terme rapide au conflit.

 

La libération prend ainsi une allure de course et on demande à chaque soldat de donner le meilleur de lui-même.


 

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C’est ainsi que le 1er septembre, les alliés approchent de la frontière belge. Apprenant que les restes de deux divisions blindées et de dix divisions d’infanterie allemandes se trouvent à proximité de Mons, les soldats de la deuxième division blindée américaine du XIX corps d’armée. Cette division passera par la suite à Perwez. Elle emboite le pas et pénètrent en Belgique le 2 septembre 1944 à 9h30. Les soldats de cette division sont ainsi parmi les premières troupes alliées à rentrer en Belgique. En passant la frontière, les troupes américaines sont saisies par l’accueil chaleureux de la population. Cependant, après avoir avancé en direction de Tournai, les hommes de la 2ème division blindée sont contraints de stopper leur progression par manque de carburant. En effet le front est alors fortement éloigné des ports de Normandie et les lignes de ravitaillement s’en trouvent fortement étirées. C’est l’occasion pour les hommes de se reposer et de réaliser la maintenance des véhicules qui en ont bien besoin.

 

Le 7ème corps américain, bien connu pour sa 3ème division blindée et sa 9ème division d’infanterie pénètre également en Belgique et libère Mons dans la soirée. Le 7ème corps continue alors sa progression en longeant la vallée de la Meuse pour arriver à Liège le 8 septembre, après avoir libéré Namur le 5 septembre.

 

Pendant ce temps, la 2ème armée britannique accompagnée par la 1ère brigade belge de libération, plus connue sous le nom de Brigade Piron, passe la frontière dans la matinée du 3 septembre et fonce vers Bruxelles qu’ils atteignent dans la soirée. Le lendemain ce sera au tour d’Anvers d’être libéré grâce à l’aide de la résistance, livrant aux Alliés un port sans presque aucuns dommages. Cependant il faudra attendre le mois d’octobre pour que les allemands occupant l’embouchure de l’Escaut en soit chassé, permettant ainsi l’exploitation du port.

 

L’entité de Perwez est quant à elle traversée depuis la fin aout par de nombreuses unités allemandes qui battent en retraite. Le plus gros des mouvements se fait de nuit car l’aviation alliée domine le ciel de l’été 1944 et harcèlent continuellement les convois en déroute. Les personnes s’amusaient à dire : « Si tu vois un avion blanc, c’est un américain. Si tu vois un avion noir, c’est un anglais. Si tu ne vois rien c’est la Luftwaffe, autrement dit l’armée de l’air allemande. » 

 

Les groupements de résistance de la région, composés principalement de l’Armée Secrète et du Front de l’indépendance ont reçu les ordres de guérilla. Les missions qui leur sont assignées sont multiples :

- premièrement : capturer des prisonniers ainsi que l’armement des véhicules

- deuxièmement : brouiller les itinéraires fléchés par l’ennemi

-troisièmement : semer des clous sur les routes afin de ralentir l’ennemi

 

Décision est prise par les résistants de se frotter au minimum aux troupes allemandes passant dans la région, ces troupes issues notamment du LXXXI ArmeeKorps (dont la 116 Panzer Division) et du II SS PanzerKorps (dont la 9ème SS Panzer Division) . Les soldats sont très nerveux et n’hésite pas à tirer à la moindre occasion sur les personnes suspectes par crainte d’embuscades. Ces unités se replient sur une ligne qui s’étend de Tervuren à Perwez en tentant à divers endroits, à l'aide de groupements de combats, de ralentir l'avance alliée.

 

Suite à l’entrée des troupes alliées en Belgique et à l’approche des troupes britanniques de Bruxelles, la base de Beauvechain est abandonnée et les dernières munitions sont tirées en direction de Wavre faisant de nombreux dégâts dans la ville.

 

Revenons à la deuxième division blindée américaine. Après 3 jours d’arrêt forcé suite au manque de carburant, les troupes se remettent en route le 5 septembre afin de traverser la Belgique en passant par le Brabant Wallon. La division est précédée par le 113th groupe de cavalerie (125th et 113th cavalry reconnaissance squadrons), rattaché au XIXème corps américain qui joue le rôle d’éclaireur et permet de localiser les dernières poches de résistance allemandes.

 

Le 113th groupe de cavalerie fonce à toute à l’allure vers le Brabant Wallon et arrive vers 19h00 à Wavre qui vient d’être libéré par les soldats anglais des Welsh Guard. Durant cette avancée, des éléments du 113 cavalry reconnaissance squadron capturèrent plus de 100 soldats allemands avec 132 chevaux à Court Saint Etienne où. Il ne faut oublier qu’à l’époque, les chevaux étaient encore fortement utilisés par les allemands, notamment pour la traction de matériels lourds et de l’artillerie. Sur leur chemin, les troupes alliées rencontrent énormément des véhicules allemands motorisés abandonnés par faute de carburant, ce qui leur provoqua de nombreuses frayeurs.

 

A l'ouest de Perwez, les premiers éléments du 113th cavalry reconnaissance squadron (éléments des troops A et B) libèrent Gembloux le 5 septembre. Un peloton de la troop B bivouaque en fin de soirée à Grand-Leez. Un employé de la gare de Grand-Leez téléphone alors à Perwez pour avertir que les américains sont arrivés à la lisière du bois de Buis. On confirme à un officier américain que les allemands ne sont plus dans Perwez. Cependant l’officier préfére ne pas avancer plus loin car la nuit tombe. Les unités du 113th cavalry reconnaissance squadron sont suivies par le 82nd bataillon de reconnaissance (compagnie C pour la région de Perwez) qui est rattaché à la deuxième division blindée américaine.

 

Le 6 septembre en début de matinée, les troupes américaines se remettent en route et quittent Grand-Leez en direction de Perwez. Un premier fantassin est envoyé en éclaireur aux premières maisons de Perwez. Ensuite une jeep de reconnaissance venant de la chaussée romaine rentre dans le quartier du Mont et progresse vers la Rue de la Station. Elle rencontre Emile Dujardin, résistant du Front de l’indépendance qui monte dans la jeep de tête et les guide en direction de Merdorp. Un avion de reconnaissance survole ensuite la jeep dans les campagnes et communique avec celle-ci.


 

 Musée 5

 

Le reste du peloton de reconnaissance (troop B) qui compte une cinquantaine d’hommes équipés de jeep et d’automitrailleuses M8 est alors autorisé à rentrer dans la ville. Les habitants de Perwez, heureux de retrouver la liberté après 4 années d’occupation, sortent alors des drapeaux et offrent à boire aux soldats. Ceux-ci soldats ne restent pas plus d’une heure dans le centre de Perwez le temps de distribuer des friandises (chewing-gum, chocolat, cigarettes, etc.) et de faire quelques photos. Le notaire Borboux qui parle parfaitement anglais les accompagne pour leur servir de guide pendant plusieurs semaines. La troupe B repart ensuite en prenant la route d’Eghezée.

 

D'autres pelotons du 113th cavalry reconnaissance squadron arrivent par la chaussée de Charleroi et par le Nord de l'entité de Perwez (provenant de la région de Walhain). Ceux-ci sont suivis par le 82nd bataillon de reconnaissance qui nettoie les villages de l’entité. Elles arrivent au carrefour de Thorembais-Saint-trond quelques dizaines de minutes seulement après le passage des derniers véhicules allemands. Quelques escarmouches ont lieu au niveau de la chaussée avec des tireurs isolés. L’Armée Secrète de Malèves vient à la rencontre des soldats américains et leur signale que 52 soldats allemands se sont réfugiés dans le parc de château de Malèves. Des éléments du 113th cavalry reconnaissance squadron et un peloton du 82nd bataillon de reconnaissance (compagnie C) encerclent alors le bois avec l’aide de la résistance. Après une fusillade, les allemands finissent par se rendre. Ce même jour, la région de Grez-Doiceau ainsi que l’aérodrome de Beauvechain sont libérés.

 

Le 113th cavalry reconnaissance squadron (troops A et B) et le 82nd bataillon (compagnie C) continuent leur progression en traversant les différents villages à l'Est de Perwez en direction de la région de Saint-Trond, Hannut et Waremme. Lors de cette progression, des escarmouches eurent encore lieu dans notre région, notamment à Ramillies et à Jauche (troop B).

 

La Troop A du 113th Cavalry Reconnaissance Squadron arrive à l’entrée de Jodoigne où des incursions sont faites dans la ville. Constatant la présence de troupes et de chars allemands dans la ville et après quelques escarmouches, les américains contournen la ville. Celle-ci sera libérée le lendemain par les unités de la deuxième division blindée.

 

Ce même jour au soir, de nombreuses unités de la deuxième division blindée bivouaquent dans le brabant wallon. Dans l'entité perwézienne, ce sont nottamment le 67th régiment blindé et le 78th régiment d'artillerie blindée . De nombreux campements de fortune sont ainsi aménagés dans l’entité Perwézienne. A Orbais ils s’installent Rue de la Tasnières. A Thorembais Saint-Trond plusieurs étables sont réquisitionnées. Ils bivouaquent également à Thorembais les Béguines le long de la chaussée et à Malèves sur les hauteurs du bois du Château. A Perwez, un camp est installé près du bois de Burlet, l’école des Sœurs est quant à elle réquisitionnée et la Maison des Œuvres est transformée en cuisine et en hôpital.

 

Dans les heures et jours qui suivirent le 6 septembre, un balai incessant de véhicules va passer dans la région de Perwez et dans le Brabant Wallon. Il faut s’imaginer que le 2ème division blindée américaine, à elle seule représente un effectif de 14 600 hommes accompagnés par 400 chars, 730 semi-chenillés et 3600 autres véhicules.

 

Même après la libération de la région, de nombreux groupes allemands isolés qui s’étaient fait dépasser par l’avance rapide des Américains, tentent de rejoindre leur ligne. Ils se déplacent à travers champ, essentiellement durant la nuit. Durant la journée, ils se cachent dans les bosquets, granges et bois alentours. C’est ainsi que la résistance en collaboration avec les troupes alliées durent nettoyer la région et notamment certains bois comme le bois de Buis afin de capturer les soldats allemands s’y cachant. Le 8 septembre une échauffourée eut lieu dans le bois de Buis où se cachaient une trentaine d’allemands en fuite. Dix d’entre eux furent tués ainsi qu’un résistant de Gembloux, Arsène Debaene dont un monument rappelle la mémoire le long de la chaussée de Charleroi. Afin de gérer l’afflux de prisonniers, différents camps provisoires de regroupement de prisonniers de guerre s’établissent dans la région. Ceux-ci permettent de garder les prisonniers en attendant leur évacuation vers l’arrière.

 

Le matin du 7 septembre, les troupes américaines libèrent Jodoigne. Ce même jour des soldats du 113th groupe de cavalerie qui ont foncé à toute allure à travers notre région arrivent à Hasselt. Le lendemain, dans l’après-midi, le Canal Albert est atteint et les troupes s’installent en écran le long du canal. Le premier objectif est ainsi rempli. Ils continuent ensuite leur progression en direction de Maastricht et sont parmi les premières unités alliées à franchir la frontière allemande.

 

Musée 6

 

Dans les jours et mois qui suivirent la libération, les américains installent plusieurs dépôts de ravitaillement dont le plus important se situe sur la chaussée entre Perwez et Rosière. Les américains, dotés d’unités spéciales ayant pour mission de remettre en état le réseau ferré, permettent l’utilisation de la ligne Perwez Landen pour acheminer les vivres qui sont déchargés à la gare et acheminés par camion GMC vers les dépôts. Ces dépôts étaient également des lieux de rencontre privilégiés entre la population et les soldats. En effet le troc y était souvent rencontré : des œufs contre du chewing-gum, des Lucky Strike ou du chocolat par exemple. Ce marché permet aux habitants de redécouvrir ces douceurs après 4 années de privation ainsi qu’aux soldats de varier le menu de leurs rations.

 

Benjamin Heylen